Patrice Hugot – Application Service Manager
L’entreprise Nanni ne s’est pas faite en un jour. Forte d’une riche histoire remontant jusqu’à 1952, la société franco-italienne compte aujourd’hui plus de 100 employés dans ses bureaux et son usine. Ce sont eux qui font vivre l’activité de Nanni au quotidien.
Pour leur rendre hommage et pour mettre en avant les rouages de notre organisation, nous allons vous proposer sur cette partie Actualités une série de portraits et interviews de différents employés et collaborateurs. L’idée : vous présenter les êtres humains qui font vivre Nanni mais aussi, et surtout, vous expliquer leurs métiers.
Commençons cette série avec un échange nourri avec Patrice Hugot, notre Application Service Manager qui connait bien l’entreprise Nanni puisqu’il y travaille depuis presque 20 ans. Son poste lui permet aujourd’hui d’avoir une certaine vue d’ensemble de tout le cycle de vente d’un produit, de sa commande à son installation en passant par toutes les étapes intermédiaires.
Bonjour Patrice Hugot ! Première question, pour commencer, est-ce que tu peux nous raconter ton parcours avant d’arriver chez Nanni ?
Avant d’arriver chez Nanni, j’ai fait des études dites « techniques », c’est-à-dire que j’ai fait du dessin industriel et de la mécanique de précision. Je suis parti sur un BTS (Brevet de technicien supérieur) micro mécanique. Ensuite, j’ai fait une année de conception réalisation prototype et puis je suis parti à l’armée, comme tout le monde, pour y faire mes classes. En sortant, je suis resté sur le bassin d’Arcachon et j’ai commencé à travailler pratiquement directement chez Nanni. À la base, je suis originaire de Perpignan.
Quand est-ce que tu es arrivé chez Nanni et quel est ton parcours au sein de l’entreprise ?
Je suis arrivé en 2003. Ça fait vingt ans, mais ça fait trois ans que je suis au service application. 38 mois, pour être précis. Je connaissais quelqu’un qui travaillait sur la chaîne de production, du coup on a échangé. A l’époque, je travaillais déjà dans la grande distribution. En discutant, il m’a dit « tu cherches du travail plutôt dans la mécanique ? » J’ai donc rejoint Nanni. J’ai commencé sur la chaîne d’assemblage de moteurs Kubota, avant la création du pôle pré assemblage que j’ai intégré. Le but étant de réaliser les sous-ensembles des moteurs. On a commencé à le développer pour augmenter les cadences de productions et il y avait le local du bureau d’études qui était juste à côté de mon poste de montage. Un jour, le directeur du bureau d’étude est passé et on a eu une discussion technique. Après ça, quand il est remonté, il s’est intéressé à ce que je lui avais dit et c’était visiblement cohérent pour lui. Vu mon expérience, il est descendu me voir pour me proposer d’intégrer le bureau d’études. J’ai donc intégré le bureau pendant 10 ou 11 ans, où j’y ai fait les montages prototypes, les tests moteurs, les essais en mer et l’installations à bord avec un ancien de chez Renault Marine. On y a notamment réalisé les premières hybridations moteurs (diesel électrique), développé la gamme actuelle et les montages optionnel. Par la suite, quand l’ancien responsable des applications a quitté la société, la direction m’a demandé si ça m’intéressait de m’orienter vers ce service. J’ai accepté puisque je faisais déjà du dessin, des plans d’encombrement et de l’orientation nouvelles options.
Pourrais tu décrire ton rôle chez Nanni ?
Le rôle de quelqu’un qui travaille au service applications est de trouver la meilleure solution ou le moteur le plus adapté à ce dont va avoir besoin le client. On fait donc l’interface entre le commerce et le bureau d’études.
Quand c’est pour des chantiers, c’est pour des moteurs neufs ou pour une définition d’un nouveau bateau. Dans ce cas-là, on va se rapprocher de leur bureau d’étude pour fixer un cahier des charges produit afin d’avoir les meilleures performances, la plus petite consommation et les accessoires qui vont permettre d’avoir une utilisation pleine du bateau. Si c’est un motor yacht, c’est-à-dire un bateau à moteur, on va plutôt orienter vers des moteurs qui vont avoir des performances et une cylindré qui sont différentes de celles d’un bateau à voiles… Sur les motor yachts, aujourd’hui, la clientèle demande des climatisations, des frigos américains, beaucoup d’accessoires, ils veulent tout le confort possible. Ce sont beaucoup de consommateurs électriques donc on va délivrer un moteur qui puisse avoir à la fois un agrément de navigation qui colle à la vitesse maximum de déplacement du bateau et également qui puisse faire tourner le système électrique, bien souvent il est ajouté un groupe électrogène. Pour rappel, lorsqu’un bateau est dessiné, il a ce qu’on appelle une vitesse de carène. Celle-ci est en fonction de la forme du bateau, son poids et sa longueur. Cela nous permet de déterminer quel type de moteur et quelle puissance il faut pour permettre au client de profiter pleinement de son bateau.
Pour la partie voile, notre rôle est également de proposer la motorisation la plus en adéquation avec le bateau, celle qui permettra d’avoir la meilleure vitesse de déplacement du bateau tout en ayant un reste de puissance suffisant pour que, le jour où la personne se retrouve dans une situation compliquée – c’est-à-dire pas de vent ou au contraire une grosse mer –, celle-ci puisse pousser son moteur afin de se sortir du mauvais pas. Ce principe présente également d’autres aspects intéressants. On est plus bas dans les tours avec un moteur plus puissant permettant de naviguer avec un régime moteur inférieur, d’être moins bruyant, moins consommateur et donc d’avoir une durée dans le temps qui est beaucoup plus longue. On stresse moins le moteur. Tout ça c’est la partie travail avec les chantiers.
De l’autre côté, on a une partie où on travaille avec les distributeurs dans leur travail de remotorisation. Dans ces cas-là, c’est la partie la plus intéressante pour la personne qui travaille aux applications puisqu’en fait la personne qui a racheté le bateau peut donner des renseignements sur son utilisation et ses pratiques régulières. C’est-à-dire que sur un bateau à voile, qui a une utilisation purement plaisance où on sait que la personne qui l’a acheté n’est va pas l’utiliser purement à la voile et nous dire qu’il va faire 50% la voile & 50% thermique, on peut vraiment personnaliser la demande. Pour donner un exemple, sur un voilier de huit mètres équipé d’une motorisation de 10ch et où on sait qu’il va se servir beaucoup du moteur, on va plutôt lui mettre un moteur plus puissant qui accepte d’avoir un alternateur plus important ou une petite pompe que l’ancien moteur n’aurait pas forcément supporté. Nos moteurs aujourd’hui sont parmi les moins consommateurs en carburent sur le marché et offrent une grande diversité d’options. À contrario, on peut avoir quelqu’un qui va acheter un bateau qui était motorisé avec un 200ch mais, sur son utilisation, on s’aperçoit qu’un 140ch suffit largement parce qu’à l’origine le chantier a homologué sa coque pour 200ch mais il l’avait déjà motorisé avec des moteurs plus bas. Donc on peut se permettre de mettre un moteur plus bas qui sera plus en adéquation avec ce qu’il va faire. En fait, on va chercher vraiment à aller sur ce que veut le client. Ça, c’est la partie sympa.
Du coup, tu vas autant travailler avec le bureau d’étude de Nanni et ceux des chantiers qu’avec le SAV ?
En fait, le poste des applications, c’est l’interface entre commerce et bureau d’études. Le client demande quelque chose au commercial ; le commercial voit si cela existe déjà dans le catalogue ; si ce n’est pas le cas, il vient me voir dans le cadre d’une création d’option supplémentaire ; je vois si cela peut être réalisable ; je réalise une pré étude et, si j’estime que c’est le cas, je fais la demande au bureau d’études ; enfin, je m’assure que celui-ci ait les bonnes données d’entrée pour travailler. Par la suite, avec l’aide du département méthodes, je valide l’élément qui a été fait et nous le livrons au client. Dans le cas où, commercialement, on part sur un nouveau modèle de bateau ou s’il y a un cas spécifique et techniques, je suis associé au commerce dès le début pour définir le produit et les différentes options les plus adaptées. Dans ce cas-là, je leur sers de support pour les discussions techniques. Une fois que j’ai défini le moteur et les différents périphériques, je donne la main au commerce avec ces éléments. Je fais un descriptif pour qu’il puisse dresser une tarification. C’est très varié en fait : on va du plaisancier jusqu’au domaine professionnel, la marine, ou des applications spécifiques comme pour les petits bateaux autonomes iXblue d’Exail qui font de la découverte de fonds marins.
Entre les expertises et les déplacements, comment arrivez vous à gérer ce flux de demandes ?
L’avantage, c’est qu’on ne voit pas le temps passer car c’est quelque chose d’extrêmement varié. Puis, après, il y a une deuxième partie du travail où on est en direct avec les distributeurs ou les agents lorsqu’ils sont face à un problème technique. Là on est à leurs côtés et on les aide au mieux. C’est là où ça se rapproche du service après-vente et où on fait l’interface… Alors, attention, lorsque c’est une panne moteur qui demande une analyse poussée ou quelque chose de vraiment spécifique, je laisse la main au service après-vente qui est bien plus qualifié que moi, il faut savoir rester à sa place. Lorsque ce sont des questions sur des changements de tableau de bord, des définitions de manettes, des problèmes de montage en interne ou quelquefois des problèmes de service après-vente que j’ai déjà vu, là ils passent par le service application.
Si tu devais retenir un élément qui te plait le plus dans ton métier ?
La variété. Aujourd’hui, quand tu travailles avec un chantier ou une remotorisation de quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il veut, en fonction de ses besoins, tu arrives à définir le moteur, le réducteur, la ligne d’arbre, l’hélice, le diamètre… C’est très intéressant quand tu fais ça. Tu as défini du début du projet en technique, tu vois la réalisation du moteur en bas, tu sais qu’il est parti, tu le vois arriver au chantier, tu le vois posé, tu vas faire les essais : en fait, tu as toute la chaîne, de l’intellect jusqu’au bout. C’est assez jouissif. Surtout quand tu fais les essais, quand tu as déterminé une vitesse théorique du bateau, tu as donné 10.3 nœuds et que, quand tu arrives au bout, tu es à 10.3 nœuds : tu vois que tu ne t’es pas trompé et là c’est plaisant.
Même chose pour les chantiers. Eux, ils avaient déterminé 10 ou 9.5 nœuds. De ton côté, tu es sûr qu’avec le moteur que tu proposes tu feras mieux avec une équivalence ou légèrement plus faible niveau puissance. Si le moteur que tu proposes à une plage de couple plus importante, tu vas pouvoir lui mettre une hélice différente et il sera plus performant en montée en régime, plus manœuvrant et il consommera moins. Chez Nanni, on travaille sur du Kubota de petite motorisation de 0 à 140ch, ensuite on est sur du Toyota pour les moteurs dit rapides donc là ce sont pour des coques planantes, pour prendre l’exemple du Lagoon c’est un N5 donc un moteur de base John Deere pour des tracteurs à l’origine, après on passe sur des moteurs beaucoup plus performants et évolué c’est-à-dire les Scania et les MAN au-dessus.
C’est-à-dire que, si le client vient te voir en te disant « je veux telle application mais je veux tel moteur précis » et que dans les calculs tu vois qu’il n’a pas choisi la bonne base, tu essayes de le convaincre ou s’il veut son moteur tu lui donnes son moteur ?
Oui. En général, nos clients choisissent Nanni pour notre expertise. C’est notre raison d’être de leurs proposer la meilleure solution technique et technologique. Quelqu’un me demande un moteur Toyota pour une péniche : ce n’est pas un moteur qui est fait pour ça, donc le client ne sera pas satisfait, on ne sera pas satisfait et ce ne sera pas fiable… On ne va donc pas lui vendre. Pourquoi proposer un moteur à quelqu’un qui ne sera pas satisfait et qui va avoir des problèmes avec ? Nous sommes là en conseil technique pour le client mais également pour protéger la société. Aujourd’hui, la satisfaction client, elle a un principe, elle a des demandes et des devoirs mais elle a aussi ses limites. Je ne proposerais pas un moteur de 115ch qui pèse 500 kilos pour mettre dans un voilier de sept mètres. Dans ce cas-là, je dis au commercial qu’on ne le conseil pas. Et la chance qu’on a ici chez Nanni, c’est que la direction nous suit là-dessus. Si je dis « non ce n’est pas bon, on va au carton, ça va nous couter de l’argent, ça va casser, l’image de marque elle n’est pas bonne, le client etc. » on me suit. Aujourd’hui, un client, avec tous les réseaux sociaux, c’est comme pour le reste : une image de marque est plus facile à détruire qu’à faire.